Preuve : l'obéissance ! QU'IL FAIT SUR MOI TOUS LES EFFETS QUE LE SAINT-ESPRIT A COUTUME DE PRODUIRE !?

 

quelque temps de là, le Père supérieur vint faire une conférence spirituelle à la Communauté. Il remarqua la Soeur Marguerite-Marie entre toutes les autres. Après le sermon, il pria la Mère de Saumaise de lui dire qui était cette jeune religieuse, qu'il avait vue en telle place qu'il désigna. La Mère la lui ayant nommée, il l'assura que c'était une âme de grâce (1). »

La Mère de Saumaise, ayant prié le Père de revenir, ordonna à la Soeur d'aller lui parler. La Sainte rapporte ainsi ses dispositions en cette circonstance : « Je ne laissai pas d'y sentir des répugnances effroyables lorsqu'il fallut y aller, ce que je lui dis d'abord. Mais il me répondit qu'il était bien aise de m'avoir donné occasion de faire un sacrifice à Dieu. Et alors, sans peine ni façon, je lui ouvris mon cœur et lui découvris le fond de mon âme, tant le mal que le bien. Sur quoi il me donna de très grandes consolations, en m'assurant qu'il n'y avait rien à craindre en la conduite de

cet esprit, d'autant qu'il ne me retirait point de l'obéissance ;

que je devais suivre ses mouvements en lui abandonnant tout mon être, pour me sacrifier et

immoler, selon son bon plaisir.

Admirant la grande bonté de notre Dieu, de ne s'être point rebuté parmi tant de résistance, il m'apprit à estimer les dons de Dieu et à 'recevoir avec respect et humilité les fréquentes communications et familiers entretiens dont il me gratifiait, dont je devrais être dans de continuelles actions de grâces envers une si grande bonté (1). »

Rien de surnaturel comme l'attitude de ces deux âmes en présence l'une de l'autre. Pour obéir, la pénitente expose les envahissements de la grâce en elle. Le religieux admire l'oeuvre de Dieu en celle qui s'ouvre à lui ; mais que lui dit-il ? Qu'en tout cela elle a grand sujet de s'humilier. C'était sanctionner le plus impérieux besoin qu'elle eût peut-être jamais ressenti et, du même coup, approfondir encore la paix que Dieu venait d'établir en elle.

Des détails pratiques furent aussi résolus. Il s'agissait de savoir s'il fallait continuer à se violenter comme elle s'y astreignait, pour réciter des prières vocales, alors que son âme était le plus ravie en Dieu. Très expérimenté dans les choses spirituelles les plus hautes, le sage directeur lui dit que non : se borner à ce qui était d'obligation, y ajouter le chapelet, lorsqu'elle le pourrait, c'était tout ce qu'il fallait, étant donné le chemin par lequel Dieu la conduisait.

Soeur Marguerite-Marie soumit encore au Père de la Colombière sa peine au sujet des lettres et des billets, que la grâce la pressait d'écrire à certaines personnes, ce dont il lui revenait de grandes humiliations.

La réponse du serviteur de Dieu ne fut pas moins nette. Il ordonna à la Soeur Alacoque, quelque peine et humiliation qu'elle en dût souffrir, de ne jamais se désister de suivre ce mouvement

de l'Esprit-Saint, écrivant simplement ce qu'il lui dicterait, puis, d'aller présenter le billet

à sa supérieure, qui en ferait ce qu'elle jugerait à propos. Une telle direction, puisée aux sources les plus pures de l'Esprit de Dieu, n'avait d'autre règle que le niveau de la grâce.

Le Père de la Colombière ne se contenta pas de tranquilliser la sainte fille. Il ne rassura pas moins la Mère de Saumaise ; en sorte que, pour l'une comme pour l'autre, l'appui de son expérience fut d'un secours tout providentiel, dans un moment particulièrement critique pour toutes les deux.

Mais il était écrit que la disciple du Coeur de Jésus ne goûterait jamais de consolation qui ne fût aussitôt traversée de la croix. Cette première et si longue communication avec le nouveau supérieur, celles qui suivirent, firent fondre sur elle d'autres humiliations et d'autres épreuves. On en devine assez-le genre, sans qu'il soit besoin de les détailler. Elle ne pouvait pas ne pas entendre quelques-unes des réflexions qui se faisaient à son sujet, et dont les moins piquantes étaient qu'elle voulait sans doute décevoir le Père par ses illusions, et le tromper comme elle en avait trompé d'autres. « Lui-même eut beaucoup à souffrir à cause de moi, » écrit-elle, ajoutant : « mais cela ne lui faisait nulle peine (1). » Tels sont les saints. Pourvu que Dieu soit. content, que leur importe ce que pensent et disent les hommes ? D'ailleurs ici, le Coeur de Jésus allait se charger de les dédommager 

divinement lui-même, l'un et l'autre. Un jour que le Père était venu dire la messe dans l'église du monastère, Notre-Seigneur lui fit de très grandes grâces, et à Soeur Marguerite-Marie en même temps. Au moment où elle s'approcha pour recevoir la sainte communion, il lui montra son divin Cœur comme une ardente fournaise. Deux autres coeurs allaient s'unir et s'abîmer dans ce Cœur sacré, qui disait : « C'est ainsi que mon pur amour unit ces trois coeurs pour toujours. » Notre-Seigneur lui fit entendre encore qu'il voulait qu'elle découvrit au Père les trésors de son adorable Coeur, « afin qu'il en fit connaître et en publiât le prix et l'utilité. » La Sainte a un mot d'une simplicité ravissante : « Il voulait que nous fussions comme frère et soeur, également partagés de biens spirituels. » Mais, dans son humilité, elle a peine à comprendre cela, ne voyant que l'inégalité qui existe « entre un homme d'une si grande vertu et mérite et une pauvre chétive pécheresse comme moi. » Notre-Seigneur se charge de l'éclairer, disant : «Les richesses infinies de mon Cœur suppléeront et égaleront tout. Dis-lui seulement sans craindre. »

La première fois qu'elle vit le Père, elle lui rapporta tout. « La manière d'humilité et d'action de grâce avec laquelle il le reçut, avec plusieurs , autres choses que je lui dis de la part de mon souverain Maître, en ce qui le concernait, me toucha tellement et me profita plus que tous les sermons que j'aurais pu entendre (1). »

Comme l'âme de Marguerite-Marie, celle du Père de la Colombière est prête ! L'heure est maintenant venue de la dernière des grandes révélations.

Le saint jésuite y recevra sa part de l'héritage du Sacré Coeur.

C'est à genoux qu'il conviendrait d'écouter le récit de cette magnifique apparition du Cœur de Jésus à sa servante. Le fait appartient à l'histoire. Voici venir l'annonce d'une ère nouvelle dans l'Église de Dieu.

En 1675, le jeudi de la Fête-Dieu tombait le 13 juin. L'octave de la fête s'étendait donc jusqu'au 20 juin inclusivement. Nous sommes à cette époque mémorable.

« Étant une fois devant le saint Sacrement, un jour de son octave, » écrit la Sainte (1), je reçus de mon Dieu des grâces excessives, de son amour, et me sentis touchée du désir de quelque retour et de lui rendre amour pour amour. Et il me dit : —Tu ne m'en peux rendre un plus grand qu'en faisant ce que je t'ai déjà tant de fois demandé. — Alors, me découvrant son divin Cœur : — Voilà ce Cœur qui a tant aimé les hommes, qu'il n'a rien épargné jusqu'à s'épuiser et se consommer pour leur témoigner son amour; et pour reconnaissance, je ne reçois dé la plupart que des ingratitudes, par leurs irrévérences et 

leurs sacrilèges, et par les froideurs et les mépris qu'ils ont pour moi dans ce sacrement d'amour. Mais ce qui m'est encore le plus sensible, est que ce sont des coeurs qui me sont consacrés qui en usent ainsi. C'est pour cela que je te demande que le premier vendredi d'après l'octave du saint Sacrement soit dédié à une fête particulière pour honorer mon Coeur, en communiant ce jour-là, et en lui faisant réparation d'honneur, par une amende honorable, pour réparer les indignités qu'il a reçues pendant le temps qu'il a été exposé sur les autels. Je te promets aussi que mon Coeur se dilatera, pour répandre avec abondance les influences de son divin amour sur ceux qui lui rendront cet honneur, et qui procureront qu'il lui soit rendu. — Et répondant à cela que je ne savais comme pouvoir accomplir ce qu'il désirait de moi depuis tant de temps, il me dit de m'adresser à son serviteur, qu'il m'avait envoyé pour l'accomplissement de ce dessein.

Et l'ayant fait, il m'ordonna de mettre par écrit ce que je lui avais [dit] touchant

le sacré Coeur de Jésus-Christ;

et plusieurs autres choses qui le regardaient pour la gloire de Dieu (1). »

qui eut lieu alors entre le Coeur de Jésus et sa bienheureuse disciple.

« Mais, mon Seigneur », lui dit-elle, « à qui vous adressez-vous ? à une si chétive créature et pauvre pécheur, que son indignité serait même capable d'empêcher l'accomplissement de votre dessein. Vous avez tant d'âmes généreuses pour exécuter vos desseins. — Eh! pauvre innocent que tu es, ne sais-tu pas que je me sers des sujets les plus faibles pour confondre les forts ; que c'est ordinairement les plus petits et les pauvres d'esprit sur lesquels je vois ma puissance avec plus d'éclat, afin qu'ils ne s'attribuent rien à eux-mêmes ? — Donnez-moi donc, je lui dis, le moyen de faire ce que vous me commandez. — Pour lors, il m'ajouta : — Adresse-toi à mon, serviteur N. [le Père de la Colombière] et lui dis de ma part de faire son possible pour établir cette dévotion et donner ce plaisir à mon divin Coeur. Qu'il ne se décourage point pour les difficultés qu'il y rencontrera, car il n'en manquera pas ; mais il doit savoir que celui-là est tout-puissant qui se défie entièrement de soi-même pour se confier uniquement à moi (1). »

Le Père de la Colombière n'était pas homme à croire légèrement tout ce qui lui était dit. Mais il avait sous les yeux trop de preuves éclatantes de l'inaltérable vertu de la Soeur Marguerite-Marie 

pour craindre la moindre illusion dans ce qu'elle lui transmettait.

Humblement reconnaissant et saintement fier du ministère que le Coeur de Notre-Seigneur Jésus-Christ lui réservait en tout ceci, le fervent jésuite voulut commencer par étendre sur lui-même le règne du Sacré Coeur. Il se dédia et consacra donc à lui, dans toute l'énergie et l'amour de son âme, des le 21 juin 1675, vendredi après l'octave du saint Sacrement. Du fond de son monastère, la Servante de Dieu s'unit sans doute à l'acte solennellement intime accompli par son vénéré directeur. Qui dira ce que fut pour le Coeur de Jésus l'offrande totale de ces deux coeurs, qu'il pouvait regarder comme ses deux premières conquêtes, dans l'ordre des révélations de Paray-le-Monial

Au témoignage de notre Sainte, le Père de la Colombiére ne laissa pas de lui continuer son secours « le peu de temps qu'il demeura en cette ville et toujours. Et je me suis cent fois étonnée » remarque-t-elle, comme il ne m'abandonnait pas, aussi bien que les autres, car la manière dont je traitais avec lui aurait rebuté tout autre, bien qu'i[l] n'épargnât rien pour m'humilier et mortifier, ce qui me faisait un grand plaisir (1). »

Bien loin de ne s'occuper que de ses intérêts personnels, et d'ailleurs, souverainement attachée à la sainte Église, Marguerite-Marie avait une prière véritablement catholique, c'est-à-dire qu'elle embrassait toutes les âmes. En voici un grand 

exemple. Lorsque l'on eut fait l'ouverture du jubilé (1), Notre-Seigneur lui fit voir dans une sévérité de juge que sa justice était moins irritée contre les infidèles que contre « son peuple choisi, » qui s'était révolté contre lui. Saisie d'angoisse en face de cette vérité, l'humble Soeur ne se lassait pas de prier pour les pécheurs. Son ardeur est encore stimulée par cette consolante parole, tombée des lèvres de son Dieu : « Une âme juste peut obtenir 

le pardon pour mille criminelles. »

Mais il lui dit aussi : — Pleure et soupire sans cesse mon sang, répandu inutilement sur tant d'âmes qui en font un si grand abus dans ces indulgences, qui se contentent de couper les mauvaises herbes qui sont crues dans leurs coeurs, sans jamais en vouloir ôter la racine. Mais, malheur à ces âmes qui demeurent souillées et altérées au milieu de la source des eaux vives, puisqu'[elles] ne seront jamais purgées ni désaltérées ! — Mon Seigneur et mon Dieu », lui dit-elle, en regardant son Coeur sacré, il faut que votre miséricorde loge ici toutes ces âmes infidèles, afin qu'elles s'y justifient, pour vous glorifier éternellement. — Oui, je le ferai., si tu m'en veux promettre un parfait amendement. — Mais vous savez bien, mon Dieu, que cela n'est pas à mon pouvoir, si vous-même ne le faites, en rendant efficaces les mérites de votre sainte Passion. » — Alors, il lui apprit ce qu'elle devait faire pendant ce jubilé : Offrir au Père éternel  1° les surabondantes satisfactions du sacrifice de son Fils sur la Croix, pour la conversion des pécheurs; 2° les ardeurs de son Coeur sacré, pour compenser la tiédeur et lâcheté du peuple choisi; 3° la soumission de son adorable volonté à son Père, afin que ses mérites obtiennent l'accomplissement de toutes les volontés divines (1).

Pour l'âme de Marguerite-Marie, la volonté de Dieu allait être de lui retirer l'appui que le ciel lui 

avait envoyé, en la personne du Père de la Colombière. Ce fut à la fin de septembre de l'année 1676 qu'il cessa d'être supérieur à Paray et qu'il partit pour l'Angleterre, comme prédicateur de Son Altesse Royale Madame la duchesse d'York, Marie-Béatrix d'Este. La Soeur Alacoque avait eu révélation de ce départ. Cela ne l'empêcha pas d'en ressentir toute la peine. Mais le divin Maître ne lui permit pas longtemps d'y réfléchir, lui adressant ce reproche : « Eh quoi ! ne te suffis-je pas, moi qui suis ton principe et ta fin ? (1) » Il ne lui en fallut pas davantage pour tout abandonner à son unique Seigneur.

Tout ce que je puis dire, c'est que si c'est le mauvais esprit qui l'a dicté,

il est extrêmement contraire à lui-même,

vu que j'y ai puisé de si grands secours contre ses attaques

et qu'il fait sur moi tous les effets que le Saint-Esprit a coutume de produire (1). »

 

Suite !! 

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