La guerre de Troie
Dans la guerre de Troie, Apollon se range aux côtés des Troyens, qui lui consacrent un temple sur leur acropole[24]. Comme le font Poséidon et Athéna pour les Achéens, il intervient aux côtés des troupes qu'il défend pour les encourager[25]
Un dieu vengeur
Apollon est un dieu vindicatif, prompt à punir ceux qui le défient. Il tue le serpent Python et, aidé de sa sœur, il élimine Tityos, qui a tenté de s'en prendre à Léto[39]. Toujours avec Artémis, il massacre de ses flèches les fils et filles de Niobé, qui a osé se moquer de sa mère[40]. Il fait périr les Aloades quand ceux-ci entreprennent d'escalader l'Olympe et de défier les dieux[41]. Il écorche vivant le satyre Marsyas, amateur de flûte, qui lui a lancé un défi musical[42]. Le roi Midas, qui avait préféré le son de la flûte à celui de la lyre, est doté d'une paire d'oreilles d'âne[43].
La confrontation ne tourne pas toujours à l'avantage du dieu. Quand Héraclès s'empare du trépied de Delphes pour faire pression sur la Pythie, Apollon accourt à la rescousse de la prêtresse. Le héros se serait enfui avec le trépied si le dieu n'avait pas appelé à l'aide son père Zeus, qui intervient en envoyant un trait de foudre[44].
Un dieu bâtisseur
Dans son Hymne à Apollon, Callimaque lui prête un rôle de bâtisseur, de fondateur et législateur. Il conseillait les représentants de diverses cités grecques quant à la fondation de cités nouvelles : « O Phébus ! sous tes auspices s'élèvent les villes ; car tu te plais à les voir se former, et toi-même en poses les fondements[45]. »
Platon[46] reconnaît également ce rôle à Apollon et conseille à tout fondateur d'un état de se référer aux lois établies par le dieu : il s'agit des lois « qui regardent la fondation des temples, les sacrifices, et en général le culte des dieux, des démons et des héros, et aussi les tombeaux des morts et les honneurs qu'il faut leur rendre afin qu'ils nous soient propices... ».
Amours
Réputé pour sa grande beauté, Apollon est paradoxalement assez malheureux dans ses amours[47],[48]. Celles-ci ont pour objet des nymphes, des mortels ou des mortelles, mais très rarement des divinités majeures[49].
Il s'éprend de la nymphe Cyrène en la voyant combattre un lion qui menace les troupeaux de son père[50]. Il fait part de ses sentiments au centaure Chiron, qui les approuve. Encouragé, Apollon se déclare à la jeune fille, qu'il emmène en Libye. Là, elle reçoit du dieu la souveraineté sur la région, la Cyrénaïque, et donne naissance à Aristée, qui enseignera aux hommes l'apiculture.
Les autres amours du dieu sont moins heureuses. Il enlève Marpessa, fille d'Événos, alors qu'elle est fiancée à l'Argonaute Idas[51]. Ce dernier réclame sa promise les armes à la main, et Zeus doit séparer les deux adversaires[52]. Le roi des dieux demande à Marpessa de choisir entre ses deux soupirants ; la jeune fille opte pour Idas, de peur d'être abandonnée par Apollon l'âge venant[52].
Il poursuit de ses ardeurs la nymphe Daphné ; pendant sa fuite, la jeune fille invoque son père, un dieu-fleuve, qui lui substitue un laurier[53] ou la transforme en cette plante[54]. Ses amours avec Coronis, fille de Phlégias, roi des Lapithes, ne finissent pas mieux : enceinte du dieu, elle le trompe avec le mortel Ischys[55]. Apollon, maître de la divination, perçoit la vérité, qui lui est également rapportée par un corbeau[55]. Il envoie alors sa sœur Artémis pourfendre l'infidèle de ses flèches, mais pris de pitié pour l'enfant à naître, il arrache ce dernier du ventre de sa mère qui se consume sur le bûcher[55]. Il porte le jeune Asclépios chez le centaure Chiron, qui l'élève et lui enseigne l'art de la médecine[55]. Apollon s'éprend également de la princesse troyenne Cassandre, fille du roi Priam : elle promet de se donner à lui en échange du don de prophétie mais après avoir obtenu satisfaction, elle revient sur ses dires. Furieux, Apollon la condamne à ne jamais être prise au sérieux[56].
De nombreuses autres aventures sont attribués à Apollon. Souvent, les récits se concentrent sur la progéniture divine plutôt que sur la mère, dont le nom change suivant la version : il ne s'agit pas de véritables histoires d'amour, mais d'un moyen de rattacher un personnage à Apollon. Ainsi des musiciens Linos et Orphée, du devin Philamnos, d'Ion, éponyme des Ioniens ou de Delphos, fondateur de Delphes.
Apollon est aussi le dieu qui compte le plus d'aventures avec des jeunes garçons[57]. Il s'éprend de Hyacinthe, fils d'un roi de Sparte. Alors qu'ils s'entraînent au lancer du disque, le hasard — ou Zéphyr jaloux — fait que le disque frappe Hyacinthe à la tempe. Désespéré, Apollon fait jaillir du sang du jeune homme une fleur, le hyakinthos, qui n'est sans doute pas la jacinthe actuelle[58]. L'histoire de Cyparisse, fils de Télèphe, se termine également de manière tragique. Aimé d'Apollon, il a pour compagnon un cerf apprivoisé. Il le tue un jour par mégarde ; desespéré, il demande au dieu la mort, et la grâce de pouvoir pleurer éternellement. Ainsi est-il changé en cyprès, symbole de la tristesse[59]. Apollon s'éprend également d'Hyménaios, fils de Magnès ; absorbé par sa passion, le dieu ne voit pas le jeune Hermès lui dérober ses troupeaux[60]. On ignore la fin de l'histoire[61].
Figurent également parmi ses amants Hélénos, frère de Cassandre[62] ; Carnos, fils de Zeus et d'Europe, qui reçoit du dieu le don de divination[63] ; Leucatas qui, pour échapper au dieu, se jette du haut d'une falaise et donne son nom à l'île de Leucade[64] ; Branchos, aimé d'Apollon alors qu'il garde ses troupeaux, puis fondateur de l'oracle du dieu à Didymes[65].
Fonctions et culte
Apollon est un dieu jeune pour les Grecs. Seul entre tous les Olympiens, son nom n'apparaît pas sur les tablettes mycéniennes en linéaire B[66]. Le premier culte de Délos concerne Artémis et non son frère[67]. Il est possible que les Karneia, les Hyacinthies et les Daphnephoria célèbrent, à l'origine, d'autres divinités qu'Apollon. Cependant, son culte est solidement ancré dans l'ensemble du monde grec dès le VIIIe siècle av. J.-C., au moment où apparaissent les premières sources littéraires grecques.
Chez Homère
Apollon joue un rôle majeur dans l’Iliade : selon Homère, c'est lui qui est à l'origine de la dispute d'Agamemnon et Achille et donc de l'ensemble des événements narrés par le poème[68]. Animé du souffle prophétique, Xanthos, le cheval d'Achille, le nomme « le premier des dieux[69] ». De fait, aucun n'est mentionné plus souvent que lui dans le poème, à l'exception de Zeus[70]. Chacune de ses apparitions sont terrifiantes. Quand il veut venger son prêtre Chrysès, bafoué par Agamemnon,
Des cimes de l'Olympe il descendit, plein de courroux,
Portant son arc et son carquois étanche sur l'épaule.
Les traits sonnèrent sur l'épaule du dieu courroucé,
Quand il partit, et c'était comme si la nuit marchait[71].
Le son de son arc est terrible et sa voix gronde comme le tonnerre quand il arrête le guerrier Diomède dans son élan[72]. C'est aussi un dieu jaloux de ses prérogatives : face à Diomède, il rappelle qu'« il n'est rien de commun / entre les Immortels et ceux qui marchent sur la terre[73]. » Il reproche à Achille de ne pas l'avoir reconnu sous les traits du Troyen Agénor :
Pourquoi me poursuis-tu, Achille, avec tes pieds rapides,
Mortel courant après un dieu ? N'aurais-tu pas encore
Reconnu qui je suis, que tu t'obstines dans ta rage[74] ?
Pendant les jeux funéraires de Patrocle, il ôte la victoire à l'archer Teucros, qui a omis de lui promettre une hécatombe[75].
Homère présente avant tout Apollon comme un dieu archer. Là où sa sœur emploie l'arc pour la chasse, son domaine est plutôt la guerre : il donne leur arme aux deux meilleurs archers de la guerre de Troie, le Troyen Pandaros et le Grec Teucros[76]. Ses flèches sont porteuses de mort : elles sèment la peste dans le camp grec, tuant hommes et bêtes. Le seul remède réside alors dans la prière, la purification et le sacrifice : lui seul peut écarter la maladie qu'il apporte[77].
Musicien
L'hymne à Apollon pythien commence par l'apparition d'Apollon dans l'Olympe, la phorminx (lyre) à la main : « aussitôt les Immortels ne songent plus qu'à la cithare et aux chants[78]. » Les Muses chantent en chœur les dieux et les hommes ; les dieux de l'Olympe, Arès compris, se donnent la main pour danser et Apollon lui-même, tout en jouant, se joint à eux. La scène résume l'un des domaines majeurs d'Apollon : la μουσική / mousikē, c'est-à-dire la combinaison du chant, de la musique instrumentale et de la danse[79].
En tant que tel, Apollon est le patron des musiciens : « c'est par les Muses et l'archer Apollon qu'il est des chanteurs et des citharistes », dit Hésiode[80]. Il inspire même la nature : à son passage « chantent les rossignols, les hirondelles et les cigales[14] ». Sa musique apaise les animaux sauvages[81] et meut les pierres[82]. Pour les Grecs, musique et danse ne sont pas seulement des divertissements : elles permettent aux hommes de supporter la misère de leur condition[83].
Jacqueline Duchemin, spécialiste de poésie grecque et de mythologie comparée, a émis l'hypothèse selon laquelle les prérogatives d'Apollon dans le domaine de la musique et de la poésie se rattacheraient à sa nature de divinité pastorale, l'une des fonctions originelles du dieu étant la protection des troupeaux[84]. Selon l'auteur de La Houlette et la lyre, ce seraient les bergers et les pâtres qui auraient inventé l'art musical au cours de leurs longues veillées solitaires. Elle affirme ainsi : "Le poète et le berger sont bien une même personne. Et ses dieux sont à son image."[85]. Et aussi : "Les divinités des pâtres et des bêtes furent, au sein d'une nature pastorale, dans les temps les plus anciens, celles de la musique, de la danse et de l'inspiration poétique."[8