De grands hommes !

 

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Le diacre Séraphim eut, alors qu'il célébrait la Liturgie du Jeudi saint avec le père Pacôme, une vision dont les détails ne furent connus que plus tard. Après la prière de l'entrée du prêtre : " Seigneur notre Dieu... fais que notre entrée se fasse avec l'entrée de tes anges qui concélèbrent et te glorifient avec nous "..., le jeune diacre se figea soudain dans une étrange immobilité et les traits de son visage changèrent d'expression. On le fit entrer dans le sanctuaire où il resta trois heures, immobile, sans pouvoir articuler une parole. D'après les aveux qu'il fit plus tard, on sut qu'il se trouva ébloui comme par un rayon de soleil au milieu duquel il vit le Seigneur Jésus-Christ sous l'aspect du Fils de l'Homme marchant dans les airs, dans une clarté éblouissante, entouré d'armées d'anges et d'archanges, de Chérubins et de Séraphims. L'Église recommandant aux fidèles d'écarter de leur imagination tout phénomène visuel, le père Pacôme conseilla au jeune diacre de n'en parler à personne, mais fut contraint d'expliquer lui-même, plus tard, ce qui s'était passé.

En 1793 le diacre Séraphim reçut l'ordination sacerdotale et toute l'année il célébra la Liturgie quotidiennement, faisant croître en lui les charismes que le Christ avait légués aux apôtres : enseignement de la Parole, guérison des malades, exorcisme des possédés et don de prophétie. Si quelques autorités ecclésiastiques et certains moines de Sarov reprocheront plus tard au père Séraphim d'oindre les malades hors de l'office traditionnel du sacrement de l'onction, il leur répondra qu'il ne le fait qu'en obéissant à l'enseignement du Christ. Du reste il faisait toujours précéder cet acte sacramentel par une profession de foi du malade et par une prière d'intercession.

On ne trouve pas d'indication sur la célébration liturgique par le père Séraphim après cette première année de prêtrise. On sait cependant que, lorsqu'il recevait la sainte Communion à l'église ou dans sa cellule du temps de sa clôture, il portait toujours sur lui les insignes de son sacerdoce : l'étole (épitrachilion), les surmanches et la croix pectorale et c'est ainsi qu'on le représente sur ses icônes. Il insistera avec force sur la communion fréquente des fidèles, ce que fera aussi le curé d'Ars et c'est encore un point qui leur est commun.

En novembre 1794, l'abbé Pacôme mourut et le père Séraphim, profondément affecté par cette mort, prit la décision de se retirer dans la solitude des forêts de Sarov. À cette époque sa santé était de nouveau très éprouvée, il souffrait de maux de tête et ressentait des douleurs dans les jambes. Le nouveau prieur, le père Isaïe, lui fit délivrer un billet de congé et le 20 novembre 1794, seize ans jour pour jour après son entrée au monastère, le père Séraphim le quitta pour aller vivre en ermite. En dehors de son état de santé, une autre raison peut-être l'obligeait aussi à s'éloigner de la communauté. On peut le deviner dans sa réponse au reproche qu'on lui adressait à ce sujet : " Ce ne sont pas les gens que fuient les ermites, mais leurs vices. Nous nous éloignons de la communauté des frères non pas à cause du manque d'amour envers eux, mais parce que l'empreinte angélique à laquelle s'apparente l'état monacal est souvent profanée par les paroles et les actes. " Déjà du temps de son noviciat le père Séraphim aimait s'éloigner pour quelques jours dans la forêt où il s'était construit une cabane à 5 km du monastère et qu'il appelait son " désert ", son Athos ou sa Jérusalem. Cette région rocheuse était une véritable " Thébaïde " remplie de grottes et peuplée d'ermites parmi lesquels le père Séraphim avait des amis. Les bêtes sauvages venaient prendre la nourriture de ses mains et on le voyait quelquefois en compagnie d'un grand ours.

LA VOCATION DE JEAN-MARIE

En France, à la même époque, c'est le temps de la Terreur. On guillotine les prêtres qui n'ont pas prêté serment à la Constitution, on arrête ceux qui les hébergent, on s'attaque à tous les signes du culte et le sang coule à flots. L'horreur du sacrilège que Jean-Marie Vianney voit autour de lui sera le début de cet " amour violent " qu'il aura pour le Dieu que l'on persécute (3). L'église du village de Dardilly est fermée et son clocher abattu. Ceux des prêtres qui ont échappé à la prison sillonnent les routes de village en village sous divers déguisements pour célébrer la messe dans quelque ferme isolée.

Avec l'accession de Bonaparte au consulat, les prêtres qui survécurent à la déportation en Guyane et à l'internement aux îles de Ré et d'Oléron, commencent à revenir d'exil. En 1803 un curé, l'abbé Charles Balley, frère d'un chartreux guillotiné pendant la Terreur, est nommé pour desservir la paroisse d'Écully, voisine de Dardilly. Il y fonda une école presbytérale pour engager des vocations ecclésiastiques et Jean-Marie Vianney y est admis quelques années plus tard grâce aux sollicitations de sa mère. Jusqu'alors il n'a pas eu l'occasion de se préparer aux études : d'abord petit berger dans les pacages de la ferme du vallon de Chante-Merle, ensuite laboureur, il n'a pu faire jusqu'à l'âge de dix-neuf ans que des études primaires et les cours de latin et la philosophie de Descartes qu'on lui imposait lui furent tellement ardus que, pour remédier au découragement qui l'avait envahi, il résolut en été 1806 de faire un pélerinage d'une centaine de kilomètres à pied au sanctuaire de la Louvesc, dans l'Ardèche, au tombeau de saint François de Régis, l'" apôtre du Vivarais " du XVIIe siècle (4). Jean-Marie pria avec ferveur et, rentré à l'école, reprit ses études avec courage. En 1807, à l'âge de 21 ans, il reçut le sacrement de confirmation et le nom de Baptiste fut ajouté à ses deux autres prénoms. C'est sous ce triple signe de sainteté que vivra désormais Jean-Marie Baptiste Vianney. Cependant, comme l'enseignement théologique en France subissait encore à cette époque l'influence d'un moralisme jansénisant, le futur curé d'Ars portera longtemps dans son comportement et ses sermons l'empreinte du rigorisme moral de son maître, l'abbé Balley.

Pour relever une perspective quelque peu divergente entre le curé d'Ars et le père Séraphim, il est permis de noter que la tradition occidentale, marquée par un spiritualisme désincarné et un intellectualisme doctrinal, hérité de saint Augustin et de saint Thomas d'Aquin, s'était éloignée des sources spirituelles authentiques auxquelles puisait son inspiration la tradition des Père s orientaux, dont l'un des dépositaires fut le père Séraphim.

 Il n'a pas révélé les impressions ressenties lors de cet événement si longtemps attendu, mais il dira plus tard, en parlant du sacerdoce : " Ô, que le prêtre est quelque chose de grand ! Le prêtre ne se comprendra bien que dans le ciel !... Si on le comprenait sur la terre, on mourrait, non de frayeur, mais d'amour. " Il considérait le mystère du sacerdoce comme une extension de celui de Jésus-Christ et, en dehors de l'offrande eucharistique qui pour lui occupait la première place, c'était la responsabilité devant Dieu du pasteur auquel le salut des âmes était confié qui le faisait frémir. " Sauver les âmes ", tel était son désir ardent dès son jeune âge. À présent que cette tâche se présentait à lui, elle lui paraissait au-dessus de ses forces. " Un prêtre, dira-t-il, doit être un saint, un séraphin. "

On peut remarquer une différence dans la conception du sacrement de pénitence du curé d'Ars et du père Séraphim. Pour ce dernier, le prêtre, en recevant la confession des pénitents, n'est que le témoin devant Dieu, tandis que, selon la conception du curé d'Ars, le prêtre est revêtu de tous les pouvoirs de Dieu, il est juge et " après Dieu il est tout ". C'est le poids de cette grande responsabilité qui pesait sur l'abbé Vianney et qui l'obligeait souvent à faire revenir les pénitents plusieurs fois avant de leur donner l'absolution.

Le vicariat de l'abbé Vianney à Ecully ne fut pas de longue durée. Le pasteur Balley, miné par les épreuves du temps de la Terreur et les efforts ascétiques auxquels il se soumettait, s'éteignit le 17 décembre 1817, à l'âge de soixante-cinq ans, pleuré par son disciple dévoué. Comme souvenir de son maître, le futur curé d'Ars conservera jusqu'à sa mort le petit miroir du père Balley " qui avait reflété son visage " et le cilice usé qu'il avait porté.

 La région avait connu les suites déplorables de la Révolution, il y avait eu des apostasies parmi les membres du clergé, le culte de la Déesse raison y avait été pratiqué quelque temps et, par opposition, une secte janséniste s'était organisée à Fareins, à deux lieues d'Ars.

 Mais le début du pastorat fut dur pour le jeune curé. À ses prières pour le salut des âmes il ajoutait des pénitences, se croyant toujours pasteur indigne et ignorant et, le soir, avant de s'étendre sur le plancher du grenier de la cure, il se flagellait sans pitié. " Quand on est jeune, dira-t-il plus tard, on fait des imprudences. " Il avait refusé les meubles que la comtesse des Garets lui avait envoyés et tout ce que les paroissiens lui donnaient, il le distribuait aux pauvres. Comme nourriture il faisait cuire des pommes de terre ou des " mâte-faim " pour toute la semaine et il lui arrivait parfois de ne rien prendre pendant deux ou trois jours.

EN PLEIN SOLEIL

Nous trouvons ici le même comportement que celui de saint Séraphim. " Connais-tu la perce-feuille, demanda-t-il un jour à une sœur de Divéevo, sais-tu qu'elle est bien bonne à manger ? Pendant près de trois ans je ne me suis nourri que d'elle, je la séchais pour l'hiver, et cela faisait un mets excellent. " Tous les deux avaient été impitoyables envers leur corps – que le curé d'Ars appelait " cadavre " ; le père Séraphim ne conseillera pourtant pas aux autres les grandes mortifications, car, dira-t-il, " le corps doit être l'aide et l'ami de l'âme, sinon il peut arriver que le corps s'étant affaibli, l'âme aussi s'exténue ". Saint Séraphim ne portait pas de cilice, comme le curé d'Ars, mais on sait qu'en plus de la croix pectorale donnée par sa mère il portait sur son dos, sous sa soutane, une autre grande croix en cuivre. Il transportait aussi de gros sacs remplis de pierres pour border la rive de la source dans la forêt et disait, lorsqu'on le questionnait à ce sujet : " Je tourmente celui qui me tourmente ".

On doit dire que les " tourments " qu'éprouvaient les deux saints étaient identiques : découragement, angoisses, sentiment d'être abandonné de Dieu. Ils étaient tous deux également poursuivis par les attaques diaboliques. " Celui qui a choisi la vie du désert, disait le père Séraphim, doit toujours être prêt au combat " ; et, s'il menait ce combat en silence, dans son ermitage, les voisins du curé d'Ars, entendant des cris s'élever de la cure accouraient apeurés, croyant que des voleurs s'y étaient introduits. Mais le curé les rassurait tranquillement : " Ce n'est rien, c'est le grappin " – sobriquet qu'il donnait au démon. " Le grappin a une bien vilaine voix ", disait-il. Quant au père Séraphim, lorsqu'on lui demanda comment étaient les démons, il répondit brièvement : " Ils sont abjects ".

Les attaques de Satan devenaient plus agressives dans la cure d'Ars lorsqu'un " gros poisson " – nom par lequel le curé désignait un pécheur incorrigible –, devait arriver. Un souffle froid pénétrait dans la cellule du père Séraphim pendant qu'il priait pour une âme pécheresse, les cierges s'éteignaient et tout semblait envahi par les ténèbres. " Le diable est froid ", disait-il.

Pour repousser les attaques du Malin, le père Séraphim, comme les anciens stylites, resta mille nuits et mille jours agenouillé, les bras en croix, en prière sur un rocher de granit. Durant trois ans, il s'imposa le silence et passa cinq années en reclus. Il fut une fois attaqué dans la forêt par trois paysans qui croyaient trouver chez lui de l'argent. Il fut battu, supporta ses souffrances sans se plaindre et demanda à ce qu'on ne punisse pas ses agresseurs lorsqu'ils furent arrêtés. Ces années de luttes et d'épreuves, de prière perpétuelle et d'ascèse le préparèrent à devenir un " starets " dont l'expérience sera mise au service des hommes. Il commencera alors à réorganiser la communauté des religieuses de Divéevo, accomplissant la promesse donnée à la mère Alexandra.

C'est donc à cette œuvre que le père Séraphim sacrifia ses forces et son temps. Les habitants des villages voisins réclamaient aussi ses conseils et sa direction spirituelle. Il existait dans la région des mines de fer et les ouvriers qui y travaillaient se livraient fréquemment à la boisson, à la débauche et au brigandage. " C'était un nid de Satan, disait le père Séraphim, et il fallait beaucoup prier pour que Dieu veuille faire disparaître les armées du diable de ces lieux. "

À cette époque (1822-1825), les deux saints sont en possession de tous leurs charismes révélés au monde par une suite de miracles, de guérisons, de manifestations de clairvoyance et de prophétie. Si, auparavant ils avaient évité la société des femmes, ils se consacraient à présent à leur éducation et à leur formation spirituelle.

À peine entra-t-il dans la cellule du père Séraphim que celui-ci lui dit : " Si un enfant voulait porter un cilice, crois-tu que cela lui conviendrait ? Le cilice du moine est la patience qu'il exerce. Les moines qui n'ont pas atteint la patience et l'humilité ne sont que des fumerons, car ce n'est pas la chape monacale qui fait le moine. " " La vertu n'est pas une poire que l'on mange d'un seul coup ", disait-il encore.

Mais les joies dont furent gratifiées les deux œuvres faisaient oublier les souffrances des deux père s. La " multiplication " du pain et de la farine dans la communauté de Divéevo et dans celle de la " Providence ", sont inscrites dans leurs Annales respectives. Les deux institutions avaient été mises sous la protection de la sainte Vierge dont les apparitions furent nombreuses tant à Divéevo qu'à Ars. " On n'oserait pas mettre le pied sur tel carreau, si l'on savait ce qui s'y était passé " disait le curé d'Ars, et le père Séraphim indiqua aux sœurs cette petite sente qui bordait leur domaine où " les pieds de la Très Pure s'étaient posés ".

C'est dans un climat de " fioretti " et de " légende dorée " que se passait la vie de ces saintes femmes et jeunes filles ; les récits de Catherine Lassagne ainsi que les témoignages des sœurs de Divéevo reflètent avec fidélité et amour l'image lumineuse de leurs père s spirituels.

Il serait trop long de rapporter tous les enseignements des deux saints, les ravissements qu'ils connurent, les visions de la sainte Vierge dont tous deux parlent en habitués de ses apparitions, de décrire l'état lumineux en lequel des témoins les avaient vus, le phénomène de lévitation qui se produisait au moment où ils priaient quand leur corps transgressait le poids de la pesanteur, phénomène du même ordre que l'auréole et le rayonnement.

" Dieu est un feu ", disait le père Séraphim et, pour rendre témoignage de cette vérité et la rappeler au monde, le starets fit participer son ami, Nicolas Motovilov, à la vision de l'éblouissante lumière qui les enveloppa tous deux et au milieu de laquelle le visage du père Séraphim resplendissait, plus étincelant que le soleil. " Ce n'est pas à vous seul que cette manifestation divine a été faite, lui dit le père Séraphim, mais, par vous, au monde entier... parlez-en à tous ! ". Cette manifestation était celle de l'Esprit saint, dont l'acquisition doit être le but essentiel de la vie humaine, pour préparer l'avènement du Royaume.

Si le curé d'Ars a consenti à quelques confidences sur les révélations qu'il avait reçues, toujours il s'empressait de les atténuer. Mais en revivant les souvenirs de sa vie intérieure, il s'exclamait tout radieux, sans préciser : " Ah ! quelle grâce, mais quelle grâce ! ".

Suite !! 

 

 

 

 

 

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