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Union ou ravissement ?? DOMINICAINS ? EXCELLENTE DOCTRINE : DIEU QUI L'ENSEIGNE : L'ORAISON, RAVISSEMENT, UNION OU L'EXTASE !

 

Je crois qu'un religieux de l'ordre de Saint-Dominique,homme d'un éminent savoir (Père Vincent Baron, cf. chap. 5 et 7), a beaucoup mérité devant Dieu, pour m'avoir retirée d'un tel sommeil. Ce père, comme il me semble l'avoir dit, me fit communier tous les quinze jours. Dès lors le mal diminua, je commençai à rentrer en moi-même. J'offensais encore le Seigneur, mais enfin j'étais dans le bon chemin, et marchant à petits pas, tombant, me relevant, je ne laissais pas d'avancer: quand la marche n'est pas interrompue, quelque lente qu'elle soit, on arrive, quoique tard, au terme du voyage. S'égarer de ce chemin n'est autre chose, à mon avis, qu'abandonner l'oraison. Dieu nous en préserve par son infinie bonté!

On le voit maintenant, et pour l'amour de Dieu qu'on y fasse une attention sérieuse: une âme qui reçoit dans l'oraison de si grandes faveurs ne doit point se fier à elle-même, ni s'exposer en aucune manière aux occasions, car elle peut tomber encore. Qu'on pèse cet avis, il est de la plus haute importance.

En effet, l'artifice dont se sert ici le démon, même contre une âme véritablement favorisée de Dieu, est de chercher, le traître, à tourner le plus qu'il peut contre elle les grâces qu'elle reçoit, et il agit ainsi de préférence avec des personnes qui ne sont encore ni fortes dans les vertus, ni avancées dans la mortification et le détachement. Or, les âmes dont je parle,quelque grands que soient leurs désirs et leurs résolutions,ne sont pas encore assez fortes pour pouvoir s'exposer,comme je le dirai plus loin, aux périls et aux occasions. Ce que je recommande ici est une excellente doctrine; elle n'est pas de moi, c'est Dieu qui nous l'enseigne.

Aussi je souhaite que des personnes ignorantes comme moi en soient instruites. Quoiqu'une âme soit élevée à cet état, elle ne doit point présumer de ses forces jusqu'à se présenter d'elle-même au combat. C'est assez pour elle de se défendre. Elle aura même besoin d'armes pour soutenir les assauts des démons, tant elle est incapable de les attaquer et de les abattre à ses pieds, comme le font ceux qui sont parvenus aux états dont je parlerai dans la suite.

Voici comment le démon enveloppe une âme dans son réseau. Cette âme se voit près de Dieu; elle découvre la différence des biens du ciel et de ceux d'ici-bas; elle aperçoit tout l'amour que son Dieu lui témoigne, et, à la vue de cet amour, elle se livre à une telle sécurité, qu'elle croit ne pouvoir jamais perdre le bonheur qu'elle possède. Elle a une vue si claire de la récompense, qu'il lui semble impossible de renoncer à une félicité si délicieuse et si suave dès cette vie, pour une chose aussi abjecte et aussi dégradante que les plaisirs de la terre. C'est de cette sécurité que le démon se sert, pour lui faire perdre la défiance qu'elle doit avoir d'elle-même. Ainsi, comme je l'ai dit, cette âme se jette dans les dangers, et elle commence, avec un zèle pur sans doute, à distribuer sans mesure les fruits de son jardin, persuadée qu'elle n'a plus rien à craindre. Ce n'est pas néanmoins par orgueil qu'elle agit de la sorte; elle sait qu'elle ne peut rien d'elle-même, mais elle cède à une confiance en Dieu qui n'est point réglée par la discrétion. Elle ne considère pas qu'elle n'est encore qu'un jeune oiseau aux ailes débiles; elle peut bien sortir du nid, et Notre Seigneur l'en tire quelquefois, mais elle est incapable de voler. Ses vertus ne sont pas encore assez fortes, elle manque d'expérience pour connaître les dangers, et elle ignore quel dommage elle reçoit en se confiant à elle-même.

 Il oublie nos ingratitudes, du moment où, touchés de repentir, nous voulons rentrer en amitié avec lui. Les grâces qu'il nous a faites, loin de provoquer ses châtiments, le portent à nous accorder plus promptement le pardon; car il nous regarde comme des enfants de sa maison, et se souvient que nous avons, comme on dit, mangé le pain de sa table. Que ces âmes se rappellent les paroles de ce divin Maître, et considèrent la manière dont il en a usé envers moi. Je me suis plutôt lassée de l'offenser qu'il ne s'est lassé de me pardonner. Non, jamais sa main ne se fatigue de donner, et jamais la source de ses miséricordes ne peut être épuisée. Ne nous fatiguons donc jamais de recevoir. Qu'il soit béni à jamais! Amen. Et que toutes les créatures célèbrent ses louanges!

Chapitre 20

 

Je voudrais pouvoir expliquer, avec le secours de Dieu,

la différence qui existe entre l'union et le ravissement,

qu'on appelle aussi élévation, vol, enlèvement de l'esprit.

Tous ces noms expriment une même chose; on lui donne aussi le nom d'extase [1].

Le ravissement l'emporte de beaucoup sur l'union; outre qu'il produit des effets beaucoup plus grands, il a plusieurs opérations qui lui sont propres.

Car, quoiqu'il semble que l'union soit, comme elle l'est en effet quant à l'intérieur, le commencement, le milieu et la fin des autres grâces surnaturelles; celles-ci néanmoins étant dans un degré plus éminent, opèrent non seulement dans l'intérieur, mais aussi à l'extérieur.

Daigne le Seigneur m'accorder sa lumière pour un tel sujet, comme il me l’a accordée pour ce qui précède; car très certainement, s'il ne m'eût lui-même enseigné de quelle manière je pouvais en donner quelque intelligence, jamais je ne l'aurais su.

Représentons-nous maintenant que cette dernière eau, dont nous avons parlé, tombe avec tant d'abondance, que si la terre ne se refusait à un tel bonheur, nous pourrions croire à juste titre avoir avec nous, dans cet exil, la nuée de la majesté de Dieu.

Nous voit-il répondre à unsi grand bienfait par la reconnaissance et par les œuvres, autant que nos forces nous le permettent, alors, de même que les nuées attirent les vapeurs de la terre, de même il attire notre âme tout entière. La nuée s'élève vers le ciel, emportant l'âme avec elle, et Dieu commence à lui dévoiler quelques-unes des merveilles du royaume qui lui est préparé. Je ne sais si la comparaison est juste, mais je sais très bien que cela se passe de la sorte.

Dans ces ravissements, l'âme semble ne plus animer le corps.

On s'aperçoit d'une manière très sensible que la chaleur naturelle va s'affaiblissant, et que le corps se refroidit peu à peu, mais avec une suavité et un plaisir inexprimables.

Ici il n'y a aucun moyen de résister à l'attrait divin.

Dans l'union, nous trouvant encore comme dans notre pays, nous pouvons presque toujours le faire, quoique avec peine et un violent effort;

mais il n'en est pas de même dans le ravissement, on ne peut presque jamais y résister.

Prévenant toute pensée et toute préparation, il fond souvent sur vous

avec une impétuosité si rapide et si forte,

que vous voyez, vous sentez cette nuée vous saisir,

et cet aigle puissant vous emporter sur ses ailes.

Je l'ai dit  l'on voit, l'on comprend que l'on est enlevé, mais on ne sait où l'on va; de sorte que la faible nature éprouve à ce mouvement, si délicieux d'ailleurs, je ne sais quel effroi dans les commencements.

L'âme doit montrer ici beaucoup plus de résolution et de courage que dans les états précédents.

Il faut, en effet, qu'elle ose tout risquer, advienne que pourra, qu'elle s'abandonne sans réserve entre les mains de Dieu, et se laisse conduire de bon gré où il lui plaît;

car on est enlevé, quelque peine qu'on en ressente.

J'en éprouvais une si vive, par crainte d'être trompée, que très souvent

en particulier,

mais surtout quand j'étais en public, j'ai essayé de toutes mes forces de

résister.

Parfois, j'obtenais quelque chose; mais comme c'était en quelque sorte lutter contre un fort géant, je demeurais brisée et accablée de lassitude.

D'autres fois, tous mes efforts étaient vains; mon âme était enlevée, ma tête suivait presque toujours ce mouvement sans que je pusse la retenir, et quelquefois même tout mon corps était enlevé de telle sorte qu'il ne touchait plus à terre.

J'ai été rarement ravie de cette manière.

Cela m'est arrivé un jour où j'étais au chœur avec toutes les religieuses,

agenouillée et prête à communier.

Ma peine en fut extrême, dans la pensée qu'une chose si extraordinaire ne pouvait manquer de causer bientôt une grande sensation.

Comme ce fait est tout récent, et s'est passé depuis que j'exerce la charge de prieure, je défendis aux religieuses d'en parler. D'autres fois, m'apercevant que Dieu allait renouveler cette faveur (et un jour en particulier, à la fête du titulaire de notre monastère (Saint Joseph), tandis que j'assistais au sermon devant des dames de qualité),

je me jetais soudain à terre; mes sœurs accouraient pour me retenir;

malgré cela, le ravissement ne pouvait échapper aux regards.

Je suppliai instamment Notre Seigneur de vouloir bien ne plus me favoriser

de ces grâces qui se trahissent par des signes extérieurs;

j'étais déjà fatiguée de la circonspection à laquelle elles me condamnaient,

et il me semblait qu'il pouvait m'accorder les mêmes grâces

sans que l'on en sût rien.

Il paraît avoir daigné dans sa bonté entendre ma prière, car depuis, rien de tel ne m'est arrivé; à la vérité, il y a très peu de temps que je lui ai demandé cette faveur.

 

Lorsque je voulais résister,

je croyais sentir sous mes pieds des forces étonnantes qui m'enlevaient;

je ne saurais à quoi les comparer.

Nulle autre des opérations de l'esprit dont j'ai parlé n'approche d'une telle

impétuosité.

J'en demeurais brisée.

C'est un combat terrible et qui sert de peu.

Quand Dieu veut agir, il n'y a pas de pouvoir contre son pouvoir.

Quelquefois, il daigne se contenter de nous faire voir qu'il veut nous accorder cette faveur, et qu'il ne tient qu'à nous de la recevoir. Alors, si nous y résistons par humilité, elle produit les mêmes effets que si elle eût obtenu un plein consentement.

Ces effets sont grands. Le premier est de montrer le souverain pouvoir de Dieu.

Quand il le veut, nous ne pouvons pas plus retenir notre corps que notre âme

nous n'en sommes pas les maîtres.

Malgré nous, nous voyons Qu'il y a un être supérieur, que de telles faveurs sont un don de sa main, et que de nous-mêmes nous n'y pouvons rien, absolument rien; ce qui imprime dans l'âme une humilité profonde.

Au commencement, je l'avoue, j'étais saisie d'une excessive frayeur en voyant ainsi mon corps enlevé de terre.

Car, quoique l'âme l'entraîne après elle avec un indicible plaisir quand il ne résiste point, le sentiment ne se perd pas; pour moi, du moins, je le conservais de telle sorte, que je pouvais voir que j'étais élevée de terre. A la vue de cette Majesté qui déploie ainsi sa puissance, les cheveux se dressent sur la tête, et l'on se sent pénétré d'une vive crainte d'offenser un Dieu si grand. Mais cette crainte est mêlée d'un très ardent amour; et cet amour redouble, en voyant jusqu'à quel point Dieu porte le sien à l'égard d'un ver de terre qui n'est que pourriture. Car non content d'élever l'âme jusqu'à lui, il veut élever aussi ce corps mortel, ce vil limon, souillé par tant d'offenses.

 

Suite !! 

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