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Saint Bernard ! Marie ?

 

http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/bernard/tome04/chronologie.htm

CHRONOLOGIE DE SAINT BERNARD.

L'an 1098. Le bienheureux Robert, abbé de Molesmes, prend avec lui douze religieux de ce monastère et se retire dans le désert de Cîteaux, où il construit un nouveau monastère dans le diocèse de Châlons-sur-Saône, environ à trois lieues de Dijon, avec l'aide et l'approbation de Gautier, évêque de Châlons-sur-Saône, et de Hugues, archevêque de Lyon. Eudes, duc de Bourgogne, lui donna l'endroit où il devait, avec ses compagnons, pratiquer, dans toute sa pureté, la règle de saint Benoît; c'est le jour de la tète de ce saint, qui tombait cette année-là le dimanche des Rameaux, que Robert jeta les premiers fondements de son oeuvre. Parmi ses premiers compagnons, on compte Aubry, Eudes, Jean, Étienne, Latour et Pierre.

L'an 1099, quarante-troisième aimée du règne de l’empereur Henri IV, trente-neuvième de celui de Philippe I, roi de France, le 29 juillet, Pascal, II qui avait été moine à Cluny, succède à Urbain II, mort dans la onzième année de son pontificat.

Le bienheureux Robert, sur les réclamations des religieux de Molesmes dans le concile de Rome, et sur l'ordre du souverain pontife, revient à Molesmes. Aubry, qui était prieur de Cîteaux, lui succède dans cette maison avec le titre d'abbé. L'église de ce monastère est dédiée à la Sainte Vierge dans le courant de cette même année.

En 1101, l'abbé Aubry établit, dans le nouveau monastère, 1a stricte observance de la règle de saint Benoît, et réforme tout ce qui est contraire à cette règle.

La même année, meurt le bienheureux Bruno, fondateur des chartreux. Cet ordre prit naissance en 1086. Bruno était originaire de Cologne; ce fut un homme non moins remarquable par sa sainteté que par son savoir.

1102. Mort d'Eudes, duc de Bourgogne, fondateur de Cîteaux. Il est inhumé dans l'église de ce monastère. La même année, Henri son fils prend l'habit religieux à Cîteaux.

1103. On place généralement cette année-là la substitution de l'habit blanc au noir chez les Cisterciens. On croit aussi que c'est alors qu'ils se mirent à réciter l'office de la Sainte Vierge.

1110. Le 29 avril, mort du bienheureux Robert, abbé de Molesmes, premier fondateur de Cîteaux. C'est à tort que quelques-uns ont placé sa mort en 1098.

1113.Quatorzième année du pontificat de Pascal II, la huitième du règne de Henri V, et la sixième de celui de Louis VI. Cette aimée est devenue bien célèbre par la conversion de Bernard. Il avait environ vingt-trois ans quand il alla se mettre avec trente autres jeunes gens, ses compagnons, sous la conduite d'Etienne, abbé de Cîteaux. C'est à partir de ce montent-là que l’ordre de Cîteaux commença à se répandre d'une manière extraordinaire.

Fondation de Pontigny, secundo fille de Cîteaux, à quatre lieues d'Autun, dans la terre allodiale de Héribert, chanoine d'Autun, avec le concours de Hervée, comte de Nevers, sous l’épiscopat de Humbault. Plus tard, Thibaut comte de Champagne, construisit la basilique de ce monastère et mérita ainsi d'en être appelé le fondateur. Le premier abbé de Pontigny fut Hugues de Mâcon, qui devint ensuite évêque d'Autan. Saint Bernard lui écrivit plusieurs lettres.

1115. Fondation de Clairvaux et Morimond, troisième et quatrième filles de Cîteaux. Clairvaux, sur l'Aube en Champagne, au diocèse de Langres, fut fondé le 25 juin, non point par Thibaut, comme l'ont cru à tort ceux qui confondent la translation du monastère de Clairvaux en 1035 avec sa fondation, mais par Rogues, comte de Troyes, ainsi qu'il est dit dans les notes de la lettre XXXI. Bernard, premier abbé de ce monastère qui fut béni, en cette qualité, par Guillaume de Champeaux, évêque de Châlons-sur-Marne, en l'absence de Josceran, évêque de Langres, était alors âgé de vingt-quatre ans. Voir sa Vie, livre I, chapitre VII.

Quant à Morimond, il fut fondé dans lu même diocèse, par Odolric d'Aigremont et Adeline sa femme, seigneurs de Choiseul. Son premier abbé fut Arnold, à qui est adressée la lettre IV de saint Bernard.

Ces quatre abbayes sont comme les quatre filles aînées de Cîteaux, dont sont sorties toutes les autres.

La même année mourut Ives, évêque de Chartres, c’était un homme très-instruit. Il eût pour successeur Geoffroy, qui fut honoré du titre de légat du saint siège. Il était très-cher à saint Bernard. Il est parlé de lui dans les lettres XV, XLV et LV dans le livre IV de la Considération, chapitre V, ainsi que dans la Vie de saint Bernard, livre II chapitre I et VI, et livre IV, Chapitre IV.

1116. Premier chapitre général de Cîteaux, tenu par l'abbé Etienne. Il est décidé dans ce chapitre qu'il se réunira désormais tous les ans le 13 septembre, selon ce que rapporte Jean de Vitry, dans son histoire d'Occident, chapitre XIV.

1117. Saint. Bernard,atteint d'une maladie grave, est confié aux soins d'un médecin de la campagne, que lui procure Guillaume, évêque de Châons-sur-Marne. Livre I de sa Vie, chapitre VII.

1120. Saint Norbert, que saint Bernard appelle la Trompette du Saint-Esprit, dans la lettre LVI, fonda l'ordre de Prémontré, dans le Laonnais. Voir la lettre CCLV de saint Bernard et les notes.

1122. Pierre Maurice, originaire de l'Auvergne, surnommé le vénérable, que saint Bernard aimait d'une affection singulière, devient abbé de Cluny pendant l'octave de l'Assomption. Voir les notes de la lettre I de saint Bernard.

 

L'an 1124, dix-huitième année du règne de Henri V, seizième de celui de Louis VI, roi de France, le pape Calliste Il meurt dans la sixième année de son pontificat. Il a pour successeur, la même année, l'évêque d'Ostie, Laurent, gniprit le nom de Honorius II.

Peu de temps après, notre très-saint docteur Bernard, après avoir travaillé pour l'Église de Dieu, malade depuis le milieu de l'hiver précèdent, ainsi qu'il le dit lui-même dans ses lettres CCLXXXVIII, CCCIII, et CCCVIII, meurt en paix, après avoir rétabli la paix entre les habitants de Metz, le 20 août à neuf heures du matin, dans la soixante-troisième année de son âge, la quarantième de sa profession religieuse, et la trente-huitième de sa prélature.

AUTRE SERMON SUR LA BIENHEUREUSE VIERGE MARIE. Je vous salue, Marie, pleine de grâce, le Seigneur est avec vous (Luc. I. 28).

 

1. Ce fut un miracle que la Vierge enfantât : le cri de son âme, l'amour de son coeur, son zèle pour les vertus furent la fin des vices. Cette très-sainte Vierge qui engendra, enfanta et nourrit le Sauveur, qui resta constamment attachée à ses côtés, qui, sa compagne inséparable, ne le quitta en aucun sentier; qui, plus attentive que les autres, remarqua ses paroles et ses actions, seule, plus longtemps elle s'y trouva présente, plus elle vit attentivement, plus elle entendit sûrement, plus elle reconnut promptement, plus elle retint facilement, mieux elle rapporta, plus fidèlement et plus soigneusement elle redit aux apôtres et aux autres disciples les oeuvres éclatantes du Seigneur, la façon inaccoutumée de sa prédication douce comme le miel, les invectives puissantes de sa sévérité divine contre le monde et le péché, et contre le prince de l'enfer. De là vient que l'Évangile dit, en parlant d'elle : « Or, Marie conservait toutes ces choses, les repassant en son coeur (Luc, II. 51).» Aussi lisons-nous dans les louanges qu'on lui adresse : beaucoup de filles ont rassemblé des richesses, seule, vous les avez dépassées. (Prov. XXXI. 29). » Bien que Jésus parlât à la foule en paraboles, qu'il découvrît tout aux apôtres comme à ses amis, il est à croire néanmoins, que comme il aimait sa mère plus que toute autre personne, aussi il l'instruisit avec plus de complaisance, lui découvrit plus intimement quelques secrets, l'appela souvent sur la montagne de la myrrhe et sur la colline de l'encens, la fit cacher dans le grenier de ses vins, et lui révéla, comme il lui plut, sa gloire divine et sa connaissance céleste. Aussi saint Jean dit dans son Apocalypse : du « trône, c'est-à-dire de Marie, sortaient des éclairs, des voix et des tonnerres » (Ap. IV. 5) : parce que Marie but avec plus d'avidité, crut avec plus de fidélité et proclama avec plus de sincérité et de soins que les autres, les paraboles, les énigmes, les paroles, les actions légales et miraculeuses de son Fils Jésus-Christ.

2. Respectueusement conservée par la nature, vénérée avec soin par la loi, Marie fut choisie avec prédilection par la grâce : parce qu'elle donna à la nature et à la loi ce qui leur revenait selon leurs droits, qu'elle leur rendait l'honneur qu'elles méritaient et y ajoutait même. La nature lui réservait la fleur d'une virginité souveraine, la loi tenait en attente pour elle seule l'honneur d'une fécondité virginale; la grâce, l'éclat incomparable de la maternité divine et le parfum très-divin d'un mariage spirituel. La nature parlait d'elle par des effets et non par des paroles, en conservant son intégrité, et le Dieu de la nature disait au serpent à son sujet: « J'établirai des inimitiés entre toi et la femme, entre ta race et la sienne (Gen. III, 15). » La loi en la distinguant des autres, disait d'elle : « La femme qui aura enfanté sera immonde sept jours (Levit. XII. 2). » La grâce, en parlait aussi en ce qui a été dit : « Je vous salue, pleine de grâce, le Seigneur est avec vous (Luc. I. 28), vous êtes bénie entre les femmes, et le fruit de votre ventre est béni (Ibid. I. 48).» La nature lui accorda, comme à la terre, de produire sans semence dès le principe ; la loi, de brûler comme le buisson sans se consumer, la grâce, d'enfanter vierge. Le Père et le Fils habitèrent en elle comme le créateur dans le monde, comme un monarque dans son empire, comme un père de famille dans sa maison, comme un pontife dans le temple, comme un époux dans son lit nuptial.   Le Très-Haut, en effet, se la forma d'abord comme un monde spécialement réservé, avant de la confirmer en sa présence dans la justice et la sainteté, de l'inonder des fleurs de sa sagesse et de l'élever par de saints désirs comme à l'instar du ciel, et de l'enflammer du feu de son amour.

Ainsi il plaça dans son intelligence, comme une sorte de firmament, le soleil de la raison, la science comme la lune et les vertus comme des étoiles de toute sorte : le soleil, pour produire la lumière de la connaissance divine, la lune, pour rendre avec les étoiles, la nuit de l'action entièrement brillante.

Et cette vierge est vraiment la terre du Seigneur, parce qu'il l'a établie de la sorte au dessus des mers. Le monde étant créé, Dieu voulant visiter son empire, donna ses ordres à l'ange.

3. L'ange Gabriel fut donc envoyé:« l'Esprit-Saint, dit-il, surviendra en vous, et la vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre (Luc. I. 35).» Et ainsi le Père de famille entra dans la maison en laquelle il fut l'habit de la chair qu'il offrit à Dieu le Père pour le salut du genre humain.

Sur l'autel de la croix, il offrit son sacrifice, comme le prêtre accomplit dans le temple ses fonctions sacerdotales mais parce qu'il fallait que ce Christ souffrît et résistât et pénétrât ainsi dans la gloire, il fallait qu'il rapportât au bercail la centième brebis sur ses épaules, que le peuple, marchant dans ses ténèbres vît une grande lumière, que le monde fût éclairé de l'éclat tout nouveau de sa prédication et de ses miracles; c'est pourquoi, descendant du sein du Père des lumières, le plus beau des enfants des hommes, revêtu d'un habit blanc et doré, il vint comme un époux qui sort de sa couche et parait en public.

Le soleil était alors dans un astre, l'orient dans le soir, l'ouvrier caché dans son ouvrage : ouvrage, quand il se préparait pour servir le roi, soir, quand il s'humiliait si profondément; astre lorsque, semblable à une étoile, il répandait ses lueurs jusqu'aux extrémités du monde. Il se trouvait donc ouvrier quand il ornait sa mère, orient quand il naissait d'elle, soleil lorsqu'il faisait sortir le monde de l'erreur, et proposait aux hommes Marie pour modèle.

 

. Bien qu'on fasse toutes sortes d'éloges de la mère de Dieu, tout ce qu'on en dit nous paraît peu de chose à côté de la réalité.

Elle est l'échelle, le buisson, l'arche, l'astre, la verge, la toison, le lit nuptial, la porte, le jardin, l'aurore. Elle est « l'échelle de Jacob,» de ce saint patriarche qui, dormant la tête sur une pierre, mérita de voir les anges montants et descendants. Cette échelle a douze degrés compris entre ses deux côtés.

Le côté droit est le mépris de soi jusqu'à l'amour de Dieu : le gauche est le mépris du monde jusqu'à l'amour du royaume des cieux. Les douze degrés par lesquels on monte sont les douze degrés de l'humilité.

Le «premier» est la haine du péché; le « second, » la fuite du mal; le « troisième, » la crainte de la haine; le « quatrième, » la soumission au créateur en toutes ces choses; le « cinquième, » l'obéissance à meilleur que soi; le « sixième » d'être condescendant à la volonté de son égal; le «septième, » de faire celle de son inférieur; le « huitième, » d'être obéissant à soi-même ; le «neuvième, » de méditer constamment sa fin; le « dixième, » de craindre toujours ses actions; le « onzième, » de confesser humblement ses pensées; le « douzième, » de se mouvoir en tout au signe, au mouvement, au bon plaisir de Dieu. Par ces degrés montent les anges et s'élèvent les hommes : ainsi disposent-ils des ascensions dans leurs coeurs, en progressant peu-à-peu et en s'éloignant pas à pas de la terre : ainsi gagnent-ils les demeures lumineuses qui sont dans la maison du Père céleste. Ce sont les douze apôtres qui suivent dans le désert les vestiges des pieds du Christ.

5. Le buisson qui parut brûler sans se consumer, signifia la Vierge qui devait concevoir du Saint-Esprit sans perdre sa virginité. Le buisson vers lequel Moïse n'osa pas marcher les pieds chaussés, apprenait que la Vierge enfanterait sans le concours de l'homme. (Exod. III. 5).

La tradition des Hébreux assure que cette vision éclata dans une plante très-vulgaire, pour éviter au peuple l'occasion de tomber en quelque idolâtrie.

Dans une humble Vierge, nous a été montré un spectacle merveilleux, spectacle en lequel ne se trouve aucune trace de la moindre souillure ou de fornication.

Il y a trois fornications : l'une humaine, l'autre mondaine, l'autre relative au Seigneur. Celle qui est humaine se commet par un acte illicite ; celle qui est mondaine, par une affection perverse: celle qui est divine, par un culte coupable rendu à Dieu. Par la première, on pèche contre le prochain; par la seconde, contre soi-même; par la troisième, contre Dieu. La première produit l'impureté de la chair ; la seconde, la concupiscence du monde; la troisième, l'idolâtrie.

A ces trois maux, Marie opposa trois remèdes. La virginité à l'impureté de la chair; l'humilité parfaite à la concupiscence du monde ; la charité parfaite à l'idolâtrie. En effet, elle fut très-pure dans la chair, très-humble de pensée et très-aimante de cœur.

 

6. Nous lisons que dans l'ancien Testament il se trouva deux arches: celle du déluge et celle de l'alliance. Il en est trois autres dans le nouveau Testament. La première est celle de l'Église; la seconde, celle de la grâce; la troisième, celle de la sagesse.

Bien que la première de l'antique loi, servît de type à la première de la nouvelle alliance, et la seconde à la deuxième, la troisième diffère de toutes les autres et l'emporte sur elles et ne peut leur être entièrement comparée.

L'arche de Noé représenta l'arche de l'Église : l'arche d'alliance fut l'image de l'arche de la grâce, c'est-à-dire de la sainteté de Marie. Par arche de sagesse nous entendons l'humanité très-sainte de Jésus-Christ. C'est avec raison qu'il faut l'appeler arche de sagesse ; en elle sont cachés tous les trésors de la science et de la sagesse (Cor. II. 3), en elle a habité corporellement toute la plénitude de la divinité.

L'arche de Noé signifia aussi l'arche de la grâce, c'est-à-dire l'excellence de Marie. De même que par l'une, tous ont échappé au déluge, de même par Marie tous évitent le naufrage du péché. Pour tuer la mort, Noé fabriqua l'une : afin de racheter le genre humain, Jésus (qui est notre paix et notre repos) s'est préparé l'autre. Par l'une, huit âmes seulement sont sauvées : par l'autre toutes (car cette universalité est exprimée par le nombre huit) sont appelées à la vie éternelle. L'une fut construite en cent ans ; en faute se trouva la perfection de toutes les vertus. L'une fut bâtie de bois équarris, l'autre fut formée de vertus consommées. La première était portée au dessus des eaux du déluge, la seconde ne ressentit l'atteinte d'aucun vice.

7. Il y a trois sortes de déluges. L'inondation des eaux constitue. le premier, les ravages des vices forment le second, et le troisième résulte des souffrances amenées par les tribulations. Le premier est un déluge d'eaux, le second, de fautes, le troisième, de calamités. Les hommes succombent dans le premier, les vertus, dans le second, les voluptés, dans le troisième. On souffre d'abord le premier de ces déluges, ensuite le pécheur est plongé dans l'abîme des châtiments, et dans le troisième il est jeté dans les flammes de l'enfer.

Et ainsi l'enfer commence ici et s'achève ailleurs, quand l'âme est attirée par le vice, et la chair par les supplices. Par l'arche de l'Église nous échappons au premier déluge, par l'arche de la grâce au second, par l'arche de la sagesse au troisième. L'arche de l'Église produit, en effet, l'extinction des vices, celle de la grâce répare les vertus, et celle de la sagesse procure la jouissance au souvenir du bien. Dans l'Église on confesse les péchés, cette confession en fait recevoir la rémission et éteint les vices: ensuite le pardon reçu, la grâce survenant, les vertus sont mises dans l'âme. Vient ensuite la perfection de la justice : et après elle, la contemplation des secrets célestes. On trouve en cette dernière une certaine suavité céleste, et ensuite une douleur intérieure et un amour parfait et constant du souverain bien.

Aussi dans l'Évangile, il est dit des bons pécheurs qui foulent aux pieds les vices, qui surmontent les tentations, et évitent les supplices sans fin : « Ils choisirent les bons dans leurs vases, et ils jetèrent dehors les mauvais (Matth. XIII. 48).» Remercions donc l'arche de grâce, parce que, par elle, c'est-à-dire par Marie et son Fils, nous avons échappé à l'un et l'autre naufrage.

9. L'arche de l'alliance fournit aussi un type de la sainte mère de Dieu. C'est Bézéléel qui a construit la première (Exod. XXXVI. 1); c'est Emmanuel qui a formé l'autre. Bézéléel eut Oliab pour compagnon dans son travail : et la Vierge des vierges fut créée, choisie, préservée, préparée et ornée par le Saint Esprit et son Fils tout puissant. Bézéléel signifie ombre de Dieu, Oliab veut dire ma protection : le premier est une figure du Saint Esprit, l'autre, celle du Fils de Dieu. De l'un on dit à Marie lors de la conception de son très-heureux enfant : «La vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre (Luc. I, 35). « Il fut dit aussi à Joseph : « Ne crains point de prendre Marie pour ton épouse : Car ce qui a été formé en elle est du Saint Esprit (Matth. I, 20). » L'autre crie à son Père dans le Psaume : « Protégez-moi contre le visage des impies qui m'ont affligé (Psalm. XVI, 9). » Et encore «Vous êtes mon protecteur depuis ma sortie du sein de ma mère (Psalm. XXI, 11). » Et encore : « Je suis devenu pour plusieurs une sorte de prodige, vous êtes un secours puissant (Psalm. LXX, 7). » Bézéléel donc construisit avec son compagnon l'arche du Testament : et la sainte Trinité sanctifia aussi la Vierge, elle la consacra comme un temple très-auguste, elle se la prépara comme une demeure très-pure, et elle l'orna par avance comme un lit nuptial sur lequel l'Époux, le plus beau des enfants des hommes, se reposerait avant de paraître en public. Le Père, en effet, ne put être absent du lieu où il voulut que le Salut Esprit et le Fils agissent d'un commun accord. Tout ce que fait le Père, le Fils l'opère semblablement. Le Fils ne peut rien faire de lui-même, il ne produit que ce qu'il voit produire au Père (Joan. V, 19). Nous lisons aussi au livre des Psaumes touchant le Saint Esprit : « C'est par la parole de Dieu que les cieux ont été affermis, et c'est du souffle de sa bouche que vient toute leur beauté (Psalm. XXXII, 6).» L'Apôtre aussi parle de la sorte des trois personnages : « De lui, par lui, en lui sont toutes choses : à lui la gloire (Rom. xi, 36).» Dans cette consécration de la sainte Vierge, le Père donna l'éclat, le Fils l’humilité, le Saint Esprit la charité. Le Père fit jaillir la lumière de la raison, le Fils versa la cendre de l'humiliation, et le Saint Esprit répandit l'huile de la dilection.

Le Père la puissance, le Fils la sagesse, le Saint Esprit la grâce de toutes les vertus. Le Père le pouvoir contre le péché, le Fils l'humilité contre le monde, le Saint Esprit la charité envers Dieu et son prochain. Le Fils la mortification de la chair, le Saint Esprit la componction, le Père la contemplation des choses célestes. Le Fils lui apprit à opérer les choses divines, le saint Esprit à aimer et à être aimée, le Père à contempler les vérités célestes. Le Fils l'instruit, le saint Esprit l'élève, le Père la perfectionne. Le Fils la purifie, le Saint Esprit la pacifie, le Père la comble d'honneurs. En tenant ce langage, je ne divise pas les oeuvres ou les dons de la Trinité, j'assure au contraire avec certitude qu'elles sont inséparables. De même que l'unité se trouve dans son essence, pareillement l'identité est dans ses opérations.

10. L'arche d'alliance fut faite de bois de Sethim, et Marie fut tirée du peuple juif, peuple couvert d'épines, rude et aride, épineux par ses péchés de détraction, rude par ses superstitions, aride parce qu'il était dépourvu de l'onction de la grâce divine. Aussi il tressa une couronne d'épines pour son roi, et il brûla de rage contre lui, comme le feu qui pétille en consumant des ronces. Séthim, en effet, signifie épines. Dans un autre sens, Eve fut une épine, Marie une rose. Eve fut véritablement une épine, elle piqua son mari jusqu à lui donner la mort, et elle plongea dans le cour de tous ses enfants l'aiguillon du péché. D'où vient ce langage, de l'Apôtre : « Par un homme, le péché est entré en ce monde, et la mort, à la suite du péché : et elle a ainsi pénétré en tous (Rom. V, 12). » Les saints Pères furent des bois bien que desséchés à la racine de l'arbre, ayant néanmoins une confiance très-assurée dans l'arrivée du Sauveur; ils habitaient en ce monde, semblables à des voyageurs et à des étrangers, n'ayant rien et possédant tout. (II Cor. VI, 10) Ils châtiaient leurs corps avec ses vices et ses concupiscences, ils allaient pleurant et jetant leurs semences (Psal. CXXV, 6). Aussi l’un d'eux s'exprime ainsi : « je me suis retourné dans mon chagrin, tandis que l'épine pénètre dans mon coeur (Psal. XXXI. 4). » Pour faire éclater sa gloire et pour renverser la sagesse humaine, Dieu a daigné naître d'une femme vierge, issue de la tige épineuse des Pères, prendre un corps afin de devenir semblable à l'homme, de guérir le contraire par son contraire, d'arracher l'épine vénéneuse et de déchirer avec puissance la cédule de condamnation du péché. Par ce sexe féminin l'humilité se montre avec éclat, la gloire et la majesté d'une vierge nous vient en- aide et la grâce chasse le péché. Eve fut donc une épine et Marie une rose : Eve une épine en blessant, Marie une rose en adoucissant les sentiments de tous les hommes. Eve épine en donnant à tous la mort : Marie rose en rendant à tous le salut. Du jus de l'écorce de l'épine on fait une sorte d'encre : de votre esprit charnel naît le flux de la concupiscence qui, péché actuel dans Adam et Eve, transmet dans leur postérité le péché originel. C'est de lui que l'Apôtre s'écrie : « la lettre tue, l'esprit vivifie (II Cor. III, 6). » Comme s'il disait : « Par un homme la mort, et par un homme la résurrection : et de même que tous périssent en Adam, ainsi tous seront vivifiés en Jésus-Christ (I Cor. XV, 22). » Marie fut une rose blanche par la virginité, rouge par la charité: blanche quant au corps, rouge quant à l'âme; blanche par la pratique de la vertu, rouge par son triomphe sur les vices ; blanche par la pureté de ses affections, rouge par la mortification de la chair, blanche par l'amour de Dieu, rouge par sa compatissante à l'égard du prochain.

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