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Notre Père et le Judaïsme S2

 

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«Et ne nous induis pas en tentation, mais délivre-nous du malin».



Dans la prière matinale, au début de la TEPHILLÂH, on lit :
«Ne nous laisse pas tomber au pouvoir du péché, de la transgression, de l’iniquité, ni au pouvoir de la tentatio ou de la honte, et que la mauvaise pensée ne puisse pas nous dominer (iêtser hâra)...»

Et un peu plus loin :

«Daigne, ô mon Dieu et Dieu de mes pères, me préserver aujourd’hui et tous les jours d’un insolent, d’un méchant, d’un faux ami,d’un mauvais voisin, d’une mauvaise rencontre et de l’ennemi (sâtâne, de la racine sâtône, haïr, accuser) destructeur.»

La même idée est encore exprimée dans la prière de l’entrée du SABBAT :

«Ecarte l’accusateur (sâtâne) de devant nous et de derrière nous, et couvre-nous de l’ombre de tes ailes » (PSAUMES, XVII, 8).

Sâtâne, l’accusateur, l’ennemi, n’est pas autre chose que le «malin» du PATER.
On trouve également des passages similaires dans le TALMUD :

«RabbiHiya [12] ben Aché, lorsqu’il priait, avait l’habitude de dire : Dieude miséricorde, délivre-nous de la mauvaise pensée (iêtserhâra).» (Traité Qiddouchine, 81 b.)

«Rabbi Isaac dit : la mauvaise pensée (iêtser hâra) assaille l’homme chaque jour, ainsi qu’il est écrit : le produit des pensées de son coeur était uniquement et journellement mauvais.» (GENESE, VI,5.)

«Rabbi Simon de Lakiche dit : le penchant de l’homme l’assaille chaque jour et cherche à le faire périr, ainsi qu’il est écrit : le méchant (râchâ, malus, le malin) guette le juste et cherche à le faire périr (PSAUMES, XXXVII, 32) et, si Dieu ne venait pas à son secours, il ne pourrait lui résister, ainsi qu’il estdit dans la suite : l’Eternel ne l’abandonne pas entre ses mains. » (même psaume, verset 33).

(Traité Soukkâh, 52 b.)



«Car à toi appartient le règne, la puissance, et la gloire à jamais.Amen !»



C’est là un simple extrait de la Bible (I, CHRONIQUES, XXIX, 11) qui, dans la TEPHILLÂ, fait partie de la prière du matin ainsi que du cérémonial de sortie du SEPHER TÔRÂH (rouleau de la Loi) :
«A toi, Eternel, appartient la grandeur, la puissance, la gloire, l’autorité et la majesté, tout ce qui est aux cieux et sur la terre ; à toi, Eternel, la royauté et la domination suprême sur toutes choses.»

Cette citation biblique, qui clôt le PATER, suffirait à elle seule à le classer parmi les prières juives.

Ainsi, nous avons retrouvé dans la TEPHILLÂH les phrases mêmes du Pater, sauf celle sur le pardon des péchés, dont nous avons cependant pu montrer la source purement juive.

Faut-il s’en étonner ? JESUS et les apôtres n’étaient-ils pas tous des Juifs, nés dans le milieu juif ? Ne s’étaient-ils pas tous abreuvés aux sources juives ? Comment donc le maître eût-il pu enseigner à ses disciples une prière qui n’eût pas été juive ?

Pourrait-on du moins voir dans le PATER, une sorte de révolution, un défi aux idées du milieu, une véritable réforme ? Notre analyse renverse déjà une semblable conception. L’étude, que nous allons faire maintenant, du cadre dans lequel apparaît l’Oraison dominicale et de l’influence exercée par cette prière va opposer un nouvel argument à la thèse de l’Originalité du PATER.

CHAPITRE III.

DU CADRE DU PATER



Dans LUC, nous l’avons remarqué au début du chapitre précédent, l’enseignement du PATER ne fait pas partie d’un corps de doctrine ; il est provoqué par une simple question d’un disciple qui, ayant vu Jésus en prière, lui demande aussitôt :
«Enseigne-nous à prier, comme JEAN l’a aussi enseigné à ses disciples.» (LUC, XI, 1).
Jésus lui répond par le PATER, mais sans aucune explication ; de plus la prière est écourtée.
MATTHIEU, au contraire, entoure l’Oraison dominicale d’un décor qui pourra nous en révéler l’esprit.

Tout d’abord, le PATER de MATTHIEU est incorporé à l’exposé doctrinal connu sous le nom de «Sermon sur la Montagne» (V, 1 et VII, 28-29). Montagne sans nom, mais qui évoque inévitablement le souvenir du Sinaï. Après s’être élevé contre les aumônes et les prières des «hypocrites», JESUS recommande l’humilité d’une façon générale ; puis, insistant sur la prière :

«Or, quand vous priez, n’usez pas de vaines redites comme les païens ; car ils croient qu’ils seront exaucés en parlant beaucoup.»
«Ne leur ressemblez donc pas ; car votre père sait dequoi vous avez besoin, avant que vous ne le lui demandiez.»
«Vous donc priez ainsi : Notre père qui es aux cieux...»
Il ne s’agit plus ici, on le voit, des «hypocrites»,mais des «païens».

Et c’est une idée bien juive que cette préoccupation de ne pas «ressembler aux païens» ; on la trouve mille fois exprimée dans la Bible et dans le Talmud. Les païens faisaient d’interminables prières, dans l’espoir d’être exaucés, grâce à leur ténacité ; les prêtres de Baal invoquent ce Baal pendant toute une Journée au mont Carmel (I, Roi, XVIII, 26-29).

Aussi les docteurs juifs de l’époque judéo-chrétienne luttaient-ils contre la tendance du peuple à allonger les prières. Voici deux traces de cette lutte.


«Rabbi Siméon disait : Aie soin de dire avec ferveur le CHEMA et les prières, et, lorsque tu pries, ne considère pas ta prière comme un acte prescrit, mais bien comme un recours à la miséricorde divine.» (Michenâh, Abôth, II, 18.)
«Mieux vaut prier peu avec recueillement que prier longuement sans recueillement.» (Talmud, Menâhôth, p. 110.)

Le verset 8 ci-dessus de MATTHIEU est une réminiscence de cette parole d’Isaïe, que la TEPHILLÂH a introduite dans le Chemôneh Esrêh des jours de jeûne :

«Avant qu’ils ne m’appellent, je répondrai : ils parleront encore et déjà je les aurai exaucés.» (ISAÏE, LXV, 24.)

ISAÏE ne faisait d’ailleurs ainsi que commenter le verset du DEUTERONOME, IV, 7 :

«Où est le peuple assez grand pour avoir des divinités accessibles comme l’Eternel notre Dieu l’est pour nous, toutes les fois que nous l’invoquons ?» DEUT. IV, 7

Et le PSAUME CXLV, verset 18, qui figure dans la TEPHILLÂH aux offices du matin et de l’après-midi, exprime encore la même idée :

«L’Eternel est proche de tous ceux qui l’invoquent avec sincérité.» PS. CXLV, 18

JESUS dit, au même verset 8 :

«Votre père sait de quoi vous avez besoin.»
Il n’a pas dit : «Mon père sait...». Il ne parle donc pas comme «fils de Dieu», mais comme un simple docteur s’adressant à des élèves et à des coreligionnaires. Rien, dans sa prière, ne dénote la doctrine chrétienne.

Un Dieu unique, saint, maître de l’univers, dispensateur des biens, miséricordieux, et qui, dans sa toute-puissance, peut aider l’homme à lutter contre ses penchants mauvais, on ne trouve pas autre chose dans le PATER. Ni Trinité, ni rédemption, ni incarnation.
 Ces tout premiers chrétiens, auxquels JESUS apprenait, selon SAINT MATTHIEU, à réciter le PATER, nous apparaissent donc comme des Juifs ordinaires et qui ne croyaient même pas que les temps messianiques fussent venus :
«Ton règne vienne..., mais, délivre-nous du malin...»



On peut mesurer ici la distance qui sépare MATTHIEU et JEAN, JESUS enseignant le PATER et JESUS se donnant comme Messie, comme Dieu, comme sauveur de l’humanité. (Evangile selon SAINT JEAN : IV,21-26 ; VIII ; XI, 25-28 ; XII, 44-50 ; XIII, 3 ;VIII, 58 ; X, 28-30, 38 ; XIV, 1-7, 10-11, 20, 23 ;XV, 22-24 ; XVI, 15, 28-33 ; XVII ; XIX, 7 : XX,28-29 ; VI).

CHAPITRE IV.
DE LA PORTÉE DU PATER



Une double question se pose :
Si le PATER était une prière juive, correspondait-il du moins à une idée de réforme intérieure du judaïsme ? Question déjà envisagée à la fin du chapitre II.  

Cette réforme, si elle a existé, a-t-elle influé sur le christianisme ?

Il est certain que le PATER représente un effort marqué vers la brièveté de la prière. Le fait même que nous avons dû rechercher, parmi les prières variées et longues de la TEPHILLÂH, les éléments qui le composent prouve qu’il est un résumé, concis à l’extrême — forcément très incomplet — de cette TEPHILLÂH. Mais cela veut-il dire qu’il ait prétendu se substituer à elle ? En aucune façon. Le PATER n’était qu’une prière juive de plus, très courte et telle que tout docteur pouvait en composer une et l’enseigner à ses disciples. Ainsi avait fait JEAN LE BAPTISTE (
LUC, XI, 1) ; ainsi fit plustard le rabbin Hiya ben Aché (page 36) ; ainsi encore Mar, fils de Rabina (page 33) ; et nous avons vu, dans le chapitre précédent, que les prières trop longues avaient de sérieux adversaires parmi les docteurs de l’époque judéo-chrétienne(page 40).

Le PATER ne peut donc être considéré que comme l’un des efforts tentés par l’école de la «Prière courte» ; il ne constitue pas un manifeste spécial, une innovation, une réforme.

Devenu Oraison dominicale, a-t-il du moins eu une action réformatrice sur le christianisme lui-même ? Non. S’il est devenu populaire, en raison de l’origine divine que lui attribuaient les chrétiens, il faut reconnaître qu’il n’a, en dépit de sa teneur purement juive, nullement influé sur la doctrine chrétienne ; celle-ci alla, toujours se séparant davantage du judaïsme. L’idée même de brièveté dans la prière, que le Pater représentaitavec une force incontestable, a complètement échoué. La liturgie catholique est en effet des plus touffues ; qu’il nous suffise de citer les prières du matin, les angélus, les vêpres, les complies, sans parler des chapelets et des rosaires, où de courtes prières telles que le PATER ou l’AVE sont répétées jusqu’à devenir très longues et à reproduire — résultat inattendu — «ces vaines redites des païens», contre lesquelles précisément s’était élevé JESUS.

Malgré cela, le PATER tire une importance capitale du fait de son adoption par toutes les églises chrétiennes. Notre analyse peut faire comprendre que ce caractère si original lui vient précisément de son essence juive, de sa composition antérieure à tout le développement du christianisme. Il a existé avant tout schisme, avant toute hérésie. Et la portée de cette humble prière pourra être considérable dans l’avenir ; car elle demeure le lien de toutes les Eglises entre elles et le lien du christianisme lui-même avec son père le judaïsme.

Dans tous les cas, cette persistance, tant de fois séculaire, du PATER à figurer en tête des prières chrétiennes, ce prodigieux défi à toutes les censures comme à toutes les hérésies, sont bien faits pour étonner le critique et pour faire réfléchir le philosophe.

Puisse notre étude, en rendant au PATER son caractère purement juif, avoir quelque peu éclairci un coin de l’ombre qui enveloppe la question si obscure des origines chrétiennes ! Puisse-t-elle avoir dégagé une parcelle de vérité sous l’entassement de tant de siècles !

Nous voudrions avoir pu contribuer ainsi, dans la plus infime mesure, au«progrès de l’humanité». Le «progrès de l’humanité», dans nos bouches modernes, qu’est-ce autre chose que l’expression de la lente instauration de cette «royauté de Dieu», dont le QADDICHE et le PATER appelaient, dans leur élan enthousiaste, la venue prochaine sur laTerre ?

Veyamlikhmalkhouthéi behayyéikhône !...
Adveniatregnum tuum !...
Ton règne vienne !...


NOTES
[1] «Patenôtre» se dit de toutes les prières chrétiennes. Cervantes a pu réduireau PATER NOSTER toute la science du bonhomme Sancho Pança (Don Quichotte, livre VII, in medio).
[2] Plus connu sous le nom de Rab, ou Maître par excellence.
[3] Voir Les Evangiles, de Renan, chap. XVIII
, 1-6).
[4] Chef de l’école de Poumbadita (Babylonie) au commencement du Ive siècle.
[5] La loi de Moïse est lue, par sections, dans les synagogues, les samedis, lundis et jeudis, ainsi qu’aux jours de fêtes solennelles. Le cycle de sa lecture complète est d’une année.
[6] La prédiction des temps messianiques, si éloquemment développée par les Prophètes, se trouve en germe dans le PENTATEUQUE (GENESE, 18-19 ; XXII, 18 et XLIX, 10-12, EXODE, 5-6, DEUTERONOME XXX)

[7] Rabbin du IIIe siècle.
[8] idem.
[9] Elle doit à ce caractère de ne pas être récitée à haute voix par l’officiant.
[10] LeTalmud le cite souvent.
[11] Célèbre chef d’école, en Babylonie au IVe siècle.
[12] Elève de Juda le Saint, le rédacteur de la Michenâh, IIe siècle après l’ère chrétienne (page 21, 2°).

 

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